« … On voit des paysages qui ne ressemblent à rien ... rendez-nous la lumière, rendez-nous la beauté… » Dominique A
Entrons dans notre/nos histoire(s).
Nous constituons au gré de nos rencontres et avec une certaine nonchalance, l’état des choses et des lieux d’une série de tentatives de rapprochements & d’accordements de faits & d’endroits très personnels qui se transforme en actions et que l’on nomme d’ordinaire dans le milieu artistique : démonstration, exposition, installation.
Proposer, offrir, accepter. Permission, plaisir, un fameux jour pour nous/se retrouver quelque part. Dans une vitrine cela débute ; celle de l’Atelier Bouquière à Bordeaux : Un tête à tête, à Rez-de-Chaussée (Bordeaux/Chartrons) ensuite, dans un lieu d’intention, nous nous observons à distance, au gré des aménagements fait par l’ensemble des artistes conviés par Christine Peyrissac pour Présents, aux Archives Municipales Bordeaux Métropole plus tard, de manière plus frontale, même si aux antipodes de la salle dans le plan d’accrochage de l’exposition archives & art actuel nous nous retrouvons au sud et au nord, entre-temps Patrice de Santa Coloma investira Sous La Tente (2016 moi aussi je pense à vous) puis encore Boustrophédon (2017 rien ne sera plus jamais tout à fait pareil) et pour Tournfluß VII sous la houlette de Jonathan Vandenheuvel, nous irons à Bruxelles. Parcours commun.
J’inventaire pour dire qu’au-delà des rêves obscurs que nous faisons se tisse une amitié liée à des interventions/intentions en compagnie de nous. Dos à dos dans le miroir. Certains êtres autorisent le rapprochement, d’autres s’esquissent, encore d’autres s’esquivent après le diner. J’en fais, je pense les frais et je pense aussi ; ma joie. Qu’elle demeure ! Lutter est le point Oméga qui me/nous rassemble. Patrice sème. Je crois s’aimer est indispensable sans rien n’inventer : ni poudre, ni fil, ni roue.
Des êtres lourds, lents, tendres, qui se délestent en avançant. Du poids sur le moment, de la légèreté écrasée. Peut-être en débarrassant mes poumons aujourd’hui je pense à Bruxelles no Fumar série de 18 autoportraits qui accompagne sur la pointe des pieds (2009) les autoportraits/chaussons de danse, trouvés dans les poubelles de la Comédie à Bordeaux derrière le grand théâtre, l’hommage à Edgar Degas. Mon travail de peinture s’accomplit dans le temps du miroir et si tout ce que je crache est de l’art comme disait Kurt Schwitters, j’ai bien en amont la pensée plus modeste que seul une idée de quelque chose qui traverse la vie est intéressante à explorer si elle est art. Car boire, manger, fumer, se battre, et dodeliner n’est plus depuis assez longtemps maintenant le centre de ma gravité. Il y a les impératifs : la merde du Monde à côtoyer au journal et les temps volés, les instants de la Love et ceux de la Life. Du furet dans les poubelles du centre urbain, les graffitis sur les murs, le mur, l’ondoyante image de l’amour décomposé.
Le travail, aujourd’hui, emprunte ces axes de la vie rudimentaire ; survivre avec les un(e)s, ramasser, glaner, cueillir dans les substances de l’instant, des cartons, du métal, des sourires, des paroles, dans la disparition des villes, faire d’un instant de découverte au petit matin ce bonheur, quand j’affectionne cet air précis de la croisée avec l’objet rejeté dans les poubelles, les containers. Ces emballages du plus rien, l’asphalte baignée de la blême lumière au point du jour. Et puis dans l’entrepôt de la mine au fond dans des caisses surplombant l’abîme de la pièce/Atelier, je me vois attendre des heures, des jours, assis, bras ballants et démarre avec la couleur de l’eau saturée dans des pots de café en métal couvant la matière croupie, des tas immodérés de signes latents ; je me vois dans le gris de Payne et l’encre blanche de Titane faire rejaillir le rose des espérances et le céruléen de ma tendre enfance dans les interstices des jours sans gloire à se manger les ongles. Je vois l’or poindre de rien et le silver envelopper mes dernières croyances ; je me vois faire le con avec/dans mes vidéos de poche et bannir la lumière pour fabriquer dans le néon la mienne pure, ces têtes de pacotille qui sont reproduites à la chaîne puis oubliées sur le banc du cancre. Recomposer, plus tard réordonner, chercher une subtilité sans effet, qui me pousse depuis tant d’années à croire dans la peinture que viendra un jour autre chose que de la mélancolie.
Avec Patrice nous faisons des rêves étranges, un des miens est cet instant où je me faufile sur un fil tendu entre deux falaises, et sans me retourner, je vois mon ombre entière dessiner sur le ciel des limpidités une tête aux yeux absents.
Christophe Massé Bordeaux 16 avril 2017
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