(devant-derrière deux peintures à l’huile de Patrice de Santa Coloma
exposées à la Machine à Musique dans le cadre du Boustrophédon 17 1)
Je vois ce que mes yeux regardent. Ainsi, j’écoute une conversation entre deux artistes peintres. Deux tableaux dialoguent, deux acteurs se partagent la scène. Une seule peinture émane de formes élémentaires colorées. Les deux murs portent face à face le dédoublement de ses éléments.
Un seul tableau fait la matière et la manière, l’autre [lui] fait écho.
— Laquelle des deux voix est celle de Narcisse ?
La nymphe punie par Junon, parce qu’elle a été trop bavarde, ne le sait pas. Mais dès qu’elle aperçoit la lumière dans l’aplat bleu de ciel et d’eau, elle oublie de se taire.
« Quand je parle, tu réponds, car tu n’es autre que moi-même ! »
Les murs ont des oreilles. On sait comment cette histoire de métamorphoses finit noyée dans son propre reflet.
Néanmoins, avec la peinture, c’est autre procédure : tantôt la lumière, tantôt son contraire : rien ne sera jamais vraiment tout à fait pareil.
Deux histoires qui se regardent dans les yeux déportent un côté sur l’autre. Mon regard diplopique tressaute. Saint Jean bouche d’or s’interpose. De la fosse du souffleur de mots jaillit une lumière légère sur les deux tableaux : « Des êtres lourds, lents, tendres, qui se délestent en avançant. Du poids sur le moment, de la légèreté écrasée.» (Christophe Massé 2)
Le souffleur est en train de rêver au lieu même de l’absence. La proximité d’un silence est signifiée. L’acte de peindre n’est pas seulement répété, il est renversé. Au milieu de la pièce ma tête heurte un espace vitreux. Un imperceptible parloir réfléchit la peinture dans la peinture et laisse passer le rêve à travers un miroir.
Saint Jean Chrysostome n’y voit que ce qu’il dit : des façons assemblées sans jointures, des parties de géométrie sans bâtis, des trucs constitués « pas tout à fait mats, ni vraiment brillants, ni lisses totalement, ni beaux …» (Christophe Massé) des gris, des bleus, des roses, des mauves pâles et des choses d’une nuance manquante que cherchent dans leur vie ensemble les deux amis.
Le songe de Jean le souffleur recouvre l’origine du nom Boustrophédon : à l’intérieur de l’exposition éponyme, « la belle solitude » (Christophe Massé) change alternativement de sens. Il n’y a rien devant, il y a tout derrière — et réciproquement, rien derrière, tout devant. C’est un mystère sans explication, une claire oscillation. Grâces soient rendues aux instants funambules où le fil de lumière bâtissant l’amitié dans un balancement éclaire ma vision.
Catherine Pomparat - mai 2017
Notes
[1] Exposition Boustrophédon 17 - Rien ne sera plus jamais vraiment tout à fait pareil du 4 au 29 mai 2017 à la Machine à Musique 13/15 rue du Parlement Sainte Catherine - Bordeaux
[2] Références au texte de Christophe Massé - Patrice de Santa Coloma/Christophe Massé dans le miroir d’un temps du passage. - 16 avril 2017
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